Hier, ma fille m’a fait une demande, et une remarque, incroyables.
Nous étions en train de désherber les allées du jardin car j’avais négocié avec elle de l’aider à cuisiner un marbré pour ses copains et copines, en échange de quoi elle m’aiderait à temps égal à ôter une plante rampante envahissante sur tout le devant de la maison.
Je lui propose, ou bien de désherber, ou bien de tondre les bordures. Notre tracteur-tondeuse ayant été passé la veille, restaient les bordures à tondre, ce qui peut être assez pénible quand on a un grand jardin, comme c’est notre cas. Les bordures se font à la tondeuse filaire (une tondeuse à fil, mais j’ai un jour entendu une collègue très classe me parler de sa tondeuse filaire, et évidemment dans sa bouche, c’était très classe. Depuis, je me suis appropriée l’expression ; je ne sais pas si elle existe. Bref, ma petite tondeuse électrique à fil donc).
Et là, ma fille me répond qu’elle préfère désherber, mais que je ne passe pas la tondeuse filaire partout, en l’occurrence pas autour de la terrasse (notre terrasse est entourée de gazon semé fin 2021). Elle souhaite en effet tailler cette herbe au ciseau (!). Je précise que ma fille a 12 ans et que ce n’est pas une lubie d’une petite fille de 4 ans.
La voilà donc en train de couper l’herbe avec les ciseaux de cuisine, pendant un temps relativement long puisque la terrasse fait tout de même plusieurs mètres carrés.
Comme je désherbais moi-même pas très loin, nous pouvions discuter, ce que nous ne faisions cependant pas ; les mains dans l’herbe avec ce geste répétitif d’arrachage, j’étais en train d’apprécier le gazouillis printanier des passereaux et l’air encore frais de l’après-midi qui s’étire. L’immersion à la campagne est un foisonnement de sensations féériques.
A un moment, ma fille a tout de même pris la parole pour mettre en mots exactement ces sensations, que le geste des ciseaux était relaxant et lui permettait d’apprécier un calme intemporel dans un environnement dont elle pouvait ainsi savourer toutes les composantes.
Et je me suis fait la réflexion que c’était formidable qu’une enfant de 12 ans dispose à ce point de la capacité d’être heureuse et de toucher ainsi du doigt le bonheur, en coupant du gazon avec des ciseaux.
Par là, je veux répondre à la question de la définition du bonheur. Selon moi, c’est la capacité à jouir de l’observation de notre environnement à un moment donné, ou plus exactement de ce que nous apprécions dans notre environnement au moment où ces choses que nous apprécions se révèlent à nous.
Le philosophe allemand Harmurt Rosa décrit extrêmement bien ce moment, qu’il nomme « résonance », en précisant que c’est une attitude d’écoute et de réponse d’être, de s’inscrire, dans le monde, que le bonheur se situe entre le disponible et l’indisponible (je recommande l’excellent série de Laura Raim, « les idées larges »: https://www.arte.tv/fr/videos/108567-005-A/que-perdons-nous-a-gagner-du-temps/ )
Je pense que l’on peut baisser le niveau d’atteinte (d’attente ?) du bonheur. Je pense que le bonheur peut déjà se trouver dans le disponible. Notre environnement peut sembler a priori banal puisque c’est le nôtre. Eh bien, j’ai très envie d’inverser cette phrase et d’écrire que cet environnement est a priori inestimable puisque c’est le mien. Et alors, le bonheur serait la capacité à jouir du disponible, de ressentir, à un moment donné, que tout va bien, puisque je suis là, et que la conscience de ma présence au milieu de mon environnement me permet d’y voir mille et une choses merveilleuses.
Eckart Tolle décrit ce moment au début de son livre « le chemin vers l’unité » par le fait d’être resté scotché sur un banc pendant 2 ans à apprécier le simple fait d’y être assis. Un peu extrême certes 🙄, mais c’est la même idée.
Mais d’où vient cette capacité à savoir apprécier notre environnement ? Pourquoi, alors que je jardinais, ne suis-je pas partie dans mes mille pensées de ma matinée de travail, du dîner à préparer, du week-end à organiser, de mes relations amicales, amoureuses, etc… Qu’est-ce qui fait que ma conscience a su prendre le dessus sur mes pensées ?
La première réponse à laquelle nous pouvons tous accéder réside dans l’observation. Si j’observe de manière répétée mes pensées et leur cheminement, alors je peux parvenir à les contrôler pour qu’elles ne m’embêtent pas, notamment lorsque je veux jouir de mon environnement en passant ma tondeuse filaire. Je vois arriver une pensée répétitive qui ne sert à rien ; je peux gentiment lui demander de partir, juste en l’observant. Si je l’observe, je ne fais pas corps avec elle ; elle est vexée, ça ne lui plaît pas, elle s’en va tranquillement. Bon, elle va revenir, mais de moins en moins souvent.
Cette observation des pensées n’est qu’une autre façon de parler de méditation, mais je ne veux pas passer par une quelconque gouroue assise en lotus (ça fait très mal, ce n’est pas recommandé pour les genoux, ces gens-là, les méditants, sont d’ailleurs très souvent sur un coussin) les yeux fermés, sous un arbre. Mais comme je l’ai déjà indiqué, quelques minutes d’observation de soi-même tous les jours permet petit à petit de maîtriser ses pensées, ou tout au moins d’avoir un peu plus les pieds sur terre (être ancré, si vous voulez).
C’est bien gentil cette explication de l’observation, mais nous savons tous qu’en période de fragilité émotionnelle, les pensées dévastent tout, et adieu la conscience du magnifique gazouillis des oiseaux.
Et là, vous me voyez venir 😁.
Effectivement, face à un évènement stressant, voire un traumatisme susceptible de générer des angoisses ou des bouleversements, il devient difficile d’apprécier les choses naturelles et évidentes du bonheur. Notre tête est pleine de ruminations, d’idées angoissantes et autres pensées envahissantes qui nous empêchent tout simplement d’être dans le réel. On peut ainsi rester bloqué au moment de l’évènement, ou bien bloqué dans l’émotion que l’évènement a déclenchée, ne plus parvenir à se projeter…
La kinésiologie dispose de différents outils permettant, selon ce dont une personne a besoin, de la ramener dans le temps présent pour la sortir du traumatisme, de la libérer d’émotions bloquantes. A savoir qu’une séance de kinésiologie répond à une problématique données. Ce faisant, je ne veux pas dire qu’une séance de kinésiologie suffit à résoudre les problèmes de toute une vie, mais elle pourra suffire à résoudre une problématique donnée.
Au bout parfois d’une seule séance, ou alors de séance en séance, cette capacité de « résonance » avec son environnement revient. Et finalement, il me semble que le bonheur, c’est cela avant tout, savoir apprécier son quotidien et ce qu’il nous offre. Peu importe que notre vie ressemble à l’image du bonheur véhiculée : conjoint merveilleusement gentil, amoureux ET beau, enfants intelligents ET adorables, grande maison (longue à nettoyer donc…), voiture rapide dernier cri, vacances aux Seychelles (trop chaud, mauvais conscience écologique…), ce qui compte, c’est peut-être de savoir tailler le gazon au ciseau.