Responsable et pas coupable

En lisant l’excellent livre de Constance Debré, « Offenses », je m’interroge sur la notion de responsabilité.

De mes cours de kinésiologie, je comprends que nous permettons à nos clients de retrouver la responsabilité de leur bien-être. Je l’observe également par ma pratique.

En effet, tout au fond de notre corps, et c’est assez naturel, nous avons la connaissance de ce qu’il y de meilleur pour nous. Cela n’est pas toujours conscient et même souvent enfoui, car on nous a élevé avec des concepts tels que « maladie » et non « symptômes », comme si la maladie venait forcément de l’extérieur et ne pouvait être révélatrice d’un mieux-être à venir. Puisque la maladie vient de l’extérieur, la guérison également. Et on nous a aussi élevé dans cette pensée que la guérison doit venir de l’autre, le médicament, le docteur, de sa science, pour nous soigner (le fait est vrai, la pensée, moins). Nous nous sommes en quelque sorte séparés consciemment de cette connaissance, intrinsèque et personnelle, de ce qu’il y a de meilleur pour nous. Mais cette connaissance est toujours là, elle n’est souvent que cachée.

La technique kinésiologique permet à ces connaissances intrinsèques d’une personne, de réapparaître et de s’appliquer. C’est en cela que nous rendons nos clients « responsables », en les aidant à retrouver leur capacité de faire le choix du meilleur pour eux, capacité qui s’observe souvent par la levée de certains blocages par le kinésiologue.

Or, être responsable de son bien-être et ne pas le laisser dépendre d’autrui renforce justement, et de manière très importante, le sentiment de bonheur qui y est associé, le sentiment d’autonomie et de liberté et, évidemment, la confiance en soi.

Avoir confiance en soi permet d’avoir confiance en autrui. Attention, avoir confiance en soi, ce n’est pas « dépendre » d’autrui ; c’est avoir confiance qu’autrui est autant capable que soi de trouver sur son chemin ce qui va l’épanouir. Je m’abstiens donc de lui donner des conseils puisque ces conseils ne seront que le reflet de ma propre expérience et non de la sienne. Si je lui donne des conseils, en quelque sorte, je prends le contrôle sur ses choix, même involontairement.

Si je peux m’abstenir de lui donner des conseils, j’ai confiance qu’il ne m’en donnera pas (sauf demande expresse). Nous avons d’ailleurs plus besoin d’écoute (qu’est-ce que l’écoute ?), que de conseils. Or nous confondons souvent l’écoute avec le conseil.

Quand quelqu’un vient se confier à nous, n’avons-nous pas le réflexe, ou bien de l’interrompre par : « Ah oui, moi aussi, je… » (et ce faisant on ne l’écoute plus; on se met en avant), ou bien carrément de lui donner des conseils sur ce que nous ferions à sa place ? Alors que la personne a juste besoin d’être écoutée, d’être entendue dans son mal-être afin que celui-ci se dissipe.

Pour revenir à la notion de responsabilité, j’ai ainsi souvent tendance à affirmer que si nous ne sommes pas coupables, nous sommes responsables. Je sors ici du contexte kinésiologique pour être plus générale. Je crois que cela me donne la possibilité de sortir de pensées rancunières qui, finalement, sont plus désagréables pour moi que pour la personne objet de mes rancœurs. Cette affirmation que je fais est donc, je pense, un peu biaisée. Mais je continue tout de même mon raisonnement 😉 :

Être responsable, mais pas coupable, c’est un peu la même idée qu’affirmer que tout acte, tout comportement, a une explication. Mais explication n’est pas synonyme d’excuse. Ainsi, si tout acte ou tout comportement a une explication, il n’est pas pour autant excusable. Je peux comprendre pourquoi quelqu’un m’agresse, ce n’est pas pour cela que je vais l’excuser. Mais comme je peux comprendre le cheminement par lequel mon agresseur est passé (à l’acte ? 😁), je peux arriver à lui pardonner. Et je fais une différence (importante) entre pardon et excuse.

Ainsi, je serais tentée d’affirmer, dans un premier temps, qu’on peut parler de la responsabilité de ne pas agresser et de la culpabilité d’agresser.

Pour revenir donc à la notion de responsabilité, on peut affirmer que quelqu’un qui se trompe n’est pas coupable ; tout le monde se trompe tout le temps. En revanche, nous sommes responsables de nous être trompés, c’est-à-dire que nous avons la responsabilité de nous corriger, de réparer l’erreur, d’apprendre de nos erreurs, de ne pas se tromper à nouveau sur la même chose…

J’aime bien faire cette différence car la société nous renvoie souvent une image de culpabilité par rapport à tout un tas d’impératifs de normes sociales à respecter. Or, contrairement au sentiment de responsabilité qui me semble positif, le sentiment de culpabilité va inhiber l’action et nous mettre sur la défensive.

Cependant, je commence à de demander si j’ai bien raison. Non pas de faire cette différence, mais plutôt de considérer que nous avons tous la capacité d’être responsable, responsable de nous-mêmes (et là, j’essaie aussi de contourner mon biais, re-😉).

Le livre de Constance Debré raconte un fait divers qu’elle a suivi alors qu’elle était encore avocate pénaliste : Un jeune homme de 19 ans poignarde de plusieurs coups de couteau sa voisine du dessous, une dame âgée à qui il rendait régulièrement de menus services. Le crime n’a pas de raison particulière. Le criminel n’a pas de pathologie psychologique particulière.

Le contexte semble est assez banal dans certaines couches sociales : le criminel a été élevé dans une cité. Le père de son grand frère et de son petit frère n’est pas son père biologique car les parents étaient en rupture à ce moment-là ; il ne connaît pas ce père biologique, mais a de bons rapports avec son père « affectif ». Celui-ci finit par se séparer de sa mère. Sa mère sombre dans la dépression et se met à fumer du shit. Son petit frère fume aussi. Lui également ; 1er joint à 13 ans. Ses parents avaient des petits boulots (femme de ménage dans un bar et éboueur), ont été malades, vivent de pensions… Il est en échec scolaire, tombe amoureux à 15 ans et devient père à 16 ans. Le jeune ménage et le bébé vivent chez le père sans travailler. Il deal à l’occasion.

Je ne veux pas parler ici de la responsabilité ou de la culpabilité du crime et du criminel. Je laisse l’autrice décrire cela de manière très engagée (et convaincante… sur la non-responsabilité, justement).

Mais je me demande si nous avons tous le même accès à notre responsabilité. Une personne comme ce criminel, avant qu’il ne le devienne, a-t-elle vraiment la possibilité, l‘éducation, l’ancrage, la connaissance, de se sentir responsable, d’accéder à sa propre responsabilité ? Si la réponse est négative, cette personne peut alors encore moins être considérée comme coupable. Et alors, il devient possible de lui pardonner, et même de l’excuser?

Je n’ai pas de réponse, je me pose ces questions.

Ces mêmes questions me semblent trouver une réponse plus facilement dans le domaine kinésiologique : peut-on, et comment, rendre à toute personne, même « défavorisée », sa capacité à savoir ce qui est bon pour elle et, donc, la responsabilité de faire ces choix-là ce de qui est bon pour elle ?

Je pose le postulat que nous avons tous droit au bonheur (je parlerai de ma notion du bonheur dans un prochain post), et que ceux qui n’ont pas cette auto-capacité à prendre la responsabilité de leur bonheur, peuvent se faire aider.

Dans un monde parfait, cette aide viendrait de la société qui véhiculerait ce fort sentiment d’appartenance à une communauté. Mais dans notre monde imparfait, le kinésiologue a les moyens de faire partie des heureux élus (car c’est très gratifiant, croyez-moi 🤗) qui peuvent aider une personne à prendre conscience de son immense potentiel d’être responsable de son bonheur. Le kinésiologue va en quelque sorte enlever les entraves qui sont posées sur le chemin d’accès à cette responsabilité. C’est en cela qu’il rend la personne responsable; il ne lui donne pas une responsabilité, ou une capacité, à faire les bons choix ; Il enlève ce qui empêche la personne de se sentir responsable et lui permet ainsi de voir que d’autres choix deviennent possibles.

Cette question de la responsabilité pour soi, intrinsèque, mais souvent indisponible, peut conduire à une autre question abordée rapidement plus haut, mais finalement confondue avec la première : celle de la responsabilité pour les autres ; faire du mal à quelqu’un, de manière non-intentionnelle ou de manière intentionnelle. Et ce sont deux questions différentes. C’est la question de la responsabilité que l’autre aille moins bien à cause de moi. Est-ce que ce criminel peut être responsable du meurtre de sa voisine s’il ne sait pas être responsable des choix qui le concerne d’abord lui, en premier lieu ?

On peut joindre à ces questions celle de la responsabilité des autres, c’est-à-dire la responsabilité que j’ai que l’autre aille mieux grâce à moi (le parent vis-à-vis de son enfant par exemple).

De manière moins corrélative, cette responsabilité que certains sont moins en mesure d’avoir que d’autres (cf. l’exemple du livre), quelle place laisse-t-elle au libre-arbitre ?

Que de questions… 😅