Le 1er mai, je suis allée courir avec mon fils. Pas de très bon matin, car respect de ses 15 ans et de ses réveils à midi😴.
Le temps était parfait et les randonneurs se pressaient dans nos beaux chemins du Mullerthal.
J’oblige à un départ très tranquille car je sais que mon fils adore parler quand il court et que si je ne réponds pas, je vais faire face à un monologue persistant; je dois donc préserver mon souffle pour réfléchir et répondre intelligemment. Pour m’en assurer, je me lance bêtement dans des recommandations maternelles évidentes : « il faut partir lentement, sinon tu vas t’essouffler et tu ne pourras pas courir longtemps, tu vas avoir un poing de côté », etc… exactement l’inverse de ce qu’on nous apprend en kinésiologie (et dans d’autres matières), à savoir utiliser un langage intégré « on va partir lentement, ainsi notre souffle va doucement augmenter et on pourra courir plus longtemps avec plaisir»). Je me rends compte que je lui donne des conseils qui s’adressent en réalité à moi-même 🤥.
Nous démarrons donc très tranquillement, et notre conversation est effectivement au moins aussi soutenue que nos foulées😅. Au bout d’un bref moment, je réalise que nous courrons exactement au même rythme. Nos cadences sont identiques, c’est un bonheur parfait ; chaque élancement est complètement synchrone entre nous deux, et je sens que son énergie est autant à l’origine de mes mouvements que ma propre énergie. Quand mon pied se pose pour rebondir, mon élan est entièrement soutenu par le sien et cela se répète à chaque pas. Cet élan continu est une source de joie intense, aussi bien physique que mentale. Je sens que, au fond de moi, je possède soudain une énergie très puissante. Vous savez ; ce sentiment d’alignement parfait quand rien d’autre n’existe que le moment présent et que toutes ses composantes vous remplissent complètement ; Vous n’avez plus aucune pensée parasite et vous êtes capable d’apprécier l’enchantement qui est en train de se répandre dans votre corps.
En l’occurrence, ce sentiment de plénitude parfaite est lié au mouvement, et au fait que ce mouvement soit parfaitement synchrone avec celui de l’autre.
Compte tenu du jeune âge et de la grande taille de mon fils, on pourrait s’attendre à ce qu’il aille (beaucoup) plus vite que moi. Mais, outre qu’il aime parler, il est très respectueux de l’autre et a à cœur de courir à mes côtés, quitte à saborder son propre rythme. Je peux ainsi l’observer.
Ses longs bras ne savent pas vraiment quel rythme ils doivent suivre. Aussi, ses foulées sont certes raccourcies, mais elles ne me semblent pas parfaitement coordonnées. Je pense qu’il souffre d’un déficit postural. En bonne kinésiologue, ça m’intéresse de savoir d’où ça vient. En maman dévouée, ça me tient à cœur de savoir comment je pourrais le recoordonner.
Je réfléchis.
Evidemment, un bon équilibre émotionnel est nécessaire à une posture équilibrée, pas affaissée par exemple comme sous le coup d’une mauvais nouvelle qu’on se traînerait. Mais comme je suis en train de l’observer courir, de l’observer être dans le mouvement, ce sont les déséquilibres physiques qui m’intéressent plus à ce moment-là, même si je sais qu’il n’existe pas de déséquilibre purement physique. De même qu’il n’existe pas de déséquilibre purement psychique sans répercussion sur le corps physique.
Je pense aux clivages structurels, qui affectent donc la structure d’une personne. Il en existe cinq, et nous en avons tous au moins un. Il s’agit des clivages suivants où une partie du corps n’est pas en coordination totale avec l’autre partie, il n’y a pas une harmonie parfaite, notamment des mouvements (c’est quoi, une harmonie imparfaite ?😎):
- Tête/Corps,
- Avant/Arrière,
- Tronc/Membres,
- Droite/Gauche, et
- Ceinture.
Nous souffrons tous d’un de ces clivages. Les seules personnes chez qui on n’en retrouve pas sont celles qui marchent pieds nus en permanence (les tribus d’Amazonie par exemple).
Effectivement, quand vous marchez pieds nus, tout votre corps prend l’empreinte du sol. Vous prenez conscience de chaque pas et vous y faites attention (car sinon, gare aux échardes et autres objets blessants). Cette attention vous ancre solidement, c’est-à-dire que vous êtes pleinement dans le moment présent, vous pouvez en savourer toutes les composantes. Vous ressentez la texture, la température, la dureté du sol qui vous soutient (du parquet, du carrelage, du sable, de la pelouse, un chemin en forêt pour les plus téméraires), et cela vous fait prendre conscience des autres parties de votre corps et de leurs ressentis, et par là-même des composantes de votre environnement autres que le sol : le bruit environnant, le contact de l’air sur votre peau, les odeurs portées par cet air, la luminosité autour de vous. Tous ces facteurs sont propres au lieu et à l’heure à laquelle vous vous trouvez et dont vous prenez pleinement conscience, et cela vous ancre encore plus solidement.
Cet ancrage permet également à votre posture de s’adapter et d’être plus souple. En effet, vos capteurs podaux (j’aime bien ce mot ☺️) envoient à votre cerveau toutes ces informations et le cerveau envoie aux muscles, articulations, et autres parties concernées, les informations nécessaires à l’adaptation de la posture au sol qui vous supporte et à l’allure à laquelle vous marchez ou courrez (voire la position immobile qui, sachez-le, nécessite plus d’efforts physiques que le mouvement car l’équilibre n’est qu’une somme de déséquilibres 🤓).
Ainsi, on pourra recommander à un enfant un peu dans la lune de marcher pieds nus. Cela va lui procurer un ancrage qui lui permettra d’être plus réceptif.
Cela me fait penser à un stagiaire dans mon ancien travail, un travail très sérieux. Ce stagiaire ôtait ses chaussures et chaussettes quand il était assis. Au bout de quelques semaines où il s’est senti suffisamment à l’aise, il se déplaçait pieds nus dans les couloirs. Or, il était à l’étage du grand patron. C’est devenu une crainte pour tout l’étage qu’ils se croisent 😨. A bien y réfléchir, il est fort possible que cette (absence de) tenue ait permis à ce stagiaire d’être plus efficace dans son travail. Imaginez si nous allions tous au travail pieds nus 😊.
En attendant cette ère du déplacement nus pieds généralisé, si vous souffrez d’un manque d’ancrage et que cela affecte votre entière disponibilité aux événements de votre vie, n’hésitez pas à prendre rendez-vous chez un.e kinésiologue. Car, outre les clivages structurels, celui ou celle-ci pourra rétablir un équilibre postural et émotionnel vous permettant de vivre pleinement (dans) le moment présent.